"Exploring the future of work & the freelance economy"
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Marc Lambotte : « Il est tout à fait logique de devenir freelance lorsque la demande du marché est importante. »

Marc Lambotte nous explique que le nombre croissant de freelances est lié à une nouvelle vision de la carrière professionnelle, mais également à l’augmentation de l’offre et de la demande que connaît le marché du travail. En outre, les freelances présentent des avantages qui intéressent les entreprises : « C’est plutôt une bonne chose que celle de voir arriver quelqu’un qui a une autre conception du travail. »

Marc Lambotte, administrateur délégué d’Agoria, la fédération des entreprises de l’industrie technologique, est convaincu que le nombre de freelances ne cessera d’augmenter. Il y a cinq ans d’ici, 17% des jeunes ayant terminé leurs études pensaient à endosser le statut d’indépendant. Aujourd’hui, ce pourcentage a carrément doublé. Et si un tiers des jeunes sont concernés, c’est parce que nous connaissons un changement de culture : ils conçoivent leur carrière comme une succession de projets à réaliser, et non plus forcément en tant que salarié. Mais, fait remarquer Marc Lambotte, il s’agira vraisemblablement aussi de projets menés en parallèle : on travaillera simultanément pour plusieurs entreprises. « La flexibilité du marché du travail à laquelle nous semblons tant tenir, va pouvoir s’améliorer au travers du changement culturel des jeunes », annonce-t-il encore.

Et finalement, nous obtiendrons un large éventail de partenariats, qui iront des emplois fixes pourvus par des groupements d’employeurs, aux freelances qui opèreront sur base de projets. « À l’avenir, nous verrons les travailleurs prendre tant et plus de responsabilités pour mener eux-mêmes leur carrière. Au bon moment, ils choisiront le bon modèle, suivant leur situation individuelle », est-on convaincu chez Agoria. « L’avenir réside dans un modèle hybride, avec lequel nous définirons notre carrière, et nous, les Agoria de ce monde, devrons nous assurer que tout sera juridiquement conforme. »

 

Un autre facteur influant est celui de la pénurie de talents que connaît le marché du travail. Quel en est l’impact sur l’offre et la demande ? Si cela ne peut que conforter la position des freelances, il y a toutefois un risque pour que les employeurs veuillent fidéliser les profils techniques talentueux en tant que collaborateur salarié.

Marc Lambotte :  « Tenter d’attacher les talents à son entreprise est d’avance voué à l’échec. C’est une façon de voir qui est révolue, un vieux modèle comparable à ces plans de pension qui proposaient des defined benefits. Cela va à l’encontre de la culture de la jeune génération, et personne ne saura aller contre. En tant qu’entreprise, nous devrons désormais accepter que nos collègues restent parmi nous un certain temps, avant de continuer leur parcours dans une autre entreprise. Les entreprises devront avoir l’intelligence de mener the war for talent avec comme armes des projets. Vouloir recruter quelqu’un qui sera encore là dans 20 ans est pure utopie. »

« Prenons l’exemple des entreprises IT – et comme vous le savez, j’en viens. Elles possèdent une réserve de talents freelances qui tourne autour des 15%, dans laquelle elles puisent pour répondre aux besoins de flexibilité. Mais on s’est aperçu qu’en période de pénurie, les collaborateurs se sont mis à comparer leur rémunération avec celle facturée par les indépendants. ‘Pourquoi devrais-je laisser tomber une marge de profit au bénéfice de l’entreprise pour laquelle je travaille ?’, entendait-on. C’est ainsi qu’ils furent nombreux à se lancer comme indépendant, afin de se garder ladite marge. Ceci est parfaitement faisable lorsqu’il y a pénurie sur le marché du travail, car bien sûr votre valeur est élevée. Mais si la situation devient moins favorable, le nombre de travailleurs indépendants va avoir tendance à diminuer, car il faudra plus s’investir pour être engagé. Il est tout à fait logique de devenir freelance lorsque la demande du marché est importante. »

 

Auparavant, le freelance était vu essentiellement comme un élément flexible, alors qu’actuellement on peut aisément le retrouver à un poste clé de l’entreprise. Si l’on se tourne vers les entreprises Agoria, comment gèrent-elles cette situation ? Sont-elles bien au courant de la façon dont elles emploient des freelances ?

Marc Lambotte :  « Les unes oui, les autres non. Les entreprises Agoria recouvrent un large pannel de domaines d’activité, et certains de ces domaines sont plus conservateurs que d’autres. »

« Nombre d’entreprises savent qu’on n’obtiendra pas le personnel désiré si l’on n’est pas prêts à engager des freelances. C’est devenu une évidence, car c’est souvent le seul moyen de pouvoir engager. À noter également que de plus en plus d’entreprises fonctionnent avec des projets bien définis, et qu’il est dès lors intéressant pour elles d’engager des indépendants pour des périodes déterminées. On n’a plus à constituer, entre autres, un passif social. Je vois les deux tendances dans nos entreprises. Celles qui restent dans la tradition, et celles qui ont déjà adopté le modèle d’avenir. Ces dernières savent que cette relation aura disparu d’ici quelques années, et que c’est comme ça. ”

 

Qu’est-ce que cela signifie pour l’innovation ? Des études montrent que des relations professionnelles épisodiques représentent plutôt un risque pour l’innovation.

Marc Lambotte :  « Je ne suis pas d’accord. Nous affirmons tous que ‘nous devons avoir une nouvelle perspective des affaires’, que ‘nous avons besoin de sang neuf’. D’après mon vécu, les idées novatrices sont amenées par ceux et celles qui ne savent pas au départ comment fonctionne une entreprise en particulier. C’est plutôt une bonne chose que celle de voir arriver quelqu’un qui a une autre conception du travail. Les nouveaux arrivants apportent souvent une réelle plus-value à l’entreprise, et en cela les freelances sont tout désignés pour briser un modèle éculé. Mais à l’inverse, je suis également partisan d’un taux de renouvellement de personnel raisonnable au sein de l’entreprise. »

 

 

Marc Lambotte a débuté sa carrière professionnelle comme instituteur d’école primaire, mais s’est rapidement dirigé vers le secteur ICT. Chez Unisys Belgium, son parcours allait le mener au poste de Managing Director. Depuis 2014, il est à la tête d’Agoria, la fédération belge des entreprises technologiques

Freelance journalist. Doet van horen, zien en schrijven over o.a. HR en de arbeidsmarkt. Voir tous les articles de Timothy Vermeir