"Exploring the future of work & the freelance economy"
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« Nous avons besoin de personnes portées par leur raison d’être et hungry de tout »

Face à la montée en puissance de l’intelligence artificielle et du numérique, le travailleur freelance semble le mieux armé. Rencontre avec Sana Afouaiz, fondatrice de l’association Womenpreneur, qui estime que le travailleur de demain devra impérativement faire preuve d’un esprit entrepreneurial.

La révolution digitale en marche

Ce n’est plus un secret, notre système économique doit embrasser la révolution digitale qui se présente à lui. Sans tarder. « De nombreux emplois sont menacés par des machines », explique Sana Afouaiz, fondatrice et directrice de Womenpreneur et qualifiée comme l’une des 10 femmes les plus inspirantes de 2018*. « Nous l’avons vu en Chine récemment, une entreprise peut être gérée par une IA (ndlr : « Madame Tang Yu », CEO de l’entreprise Fujian NetDragon Websoft). Il n’y a donc pas de temps à perdre. « Il faut s’adapter, surtout en Belgique ».

Data is power

 Les premières prémisses de cette évolution du monde du travail seraient avant tout de ne pas sombrer dans la panique, mais bien d’être conscient des défis qui nous attendent. Ni l’avènement de l’Intelligence Artificielle, ni la puissance de la Big Data ne sont, en soi, des mauvaises choses. « Ce sont des outils et c’est à la personne qui les conçoit de les orienter de la meilleure manière ».

Le risque qui sous-tend ces technologies résiderait dans les situations de quasi-monopole qui les guettent. « Aujourd’hui, Elon Musk détient plus de pouvoir que la personne à la tête du pays le plus puissant au monde, Joe Biden ». C’est bien connu : qui détient les données possède le pouvoir. D’où l’importance de percevoir les opportunités qui s’offrent à nous dans ce domaine.

On valorise depuis des années un emploi au sein d’une entreprise stable et tous les avantages qui vont avec. Le risque qui guette les travailleurs serait de s’engluer dans cette zone de confort sans jamais plus oser prendre des risques.

Le risque : l’illusion de la stabilité

 Malheureusement, selon Sana Afouaiz, le marché belge a une particularité : il baigne dans une atmosphère trop confortable. « On valorise depuis des années un emploi au sein d’une entreprise stable et tous les avantages qui vont avec : un bon poste, une voiture de société, un nombre de jours de congés… ».  Le risque qui guette les travailleurs serait de s’engluer dans cette zone de confort sans jamais plus oser prendre des risques.

Or, le manque de préparation face au Covid-19 et l’arrêt de notre système économique pendant deux années nous ont rappelé que rien n’est immuable. « Lorsque l’on est face à une crise, il faut s’armer pour préparer la suivante. Un travailleur ne doit pas uniquement être une pièce dans la machine ». Ne pas sombrer dans la « paresse » et ne pas nécessairement suivre la norme doivent donc devenir deux leitmotivs. 

Freelance : un avenir florissant

Dans cette optique, Sana Afouaiz estime que le travailleur de demain devra impérativement faire preuve d’un esprit entrepreneurial. De nos jours et à l’avenir, de plus en plus de personnes actives créeront d’elles-mêmes leur propre emploi. Qu’ils s’agissent d’entrepreneurs ou de freelances. « C’est tant mieux ! Même pour les entreprises qui travailleront moins. Elles finiront par collaborer plus ! ».

Grâce à ce modèle, l’équilibre vie privée/pro deviendrait plus sain et les possibilités de travailler et de gagner sa vie depuis n’importe où dans le monde s’en trouveraient renforcées. L’entrepreneuse remarque d’ailleurs que beaucoup de jeunes d’aujourd’hui sont dans un état d’esprit qui valorise ce type de besoins. « Ils recherchent un équilibre émotionnel et insistent sur leur santé mentale ».

Nous avons besoin de ces personnes portées par leur raison d’être, toujours hungry de tout, curieuses et avides de se développer. Ce sont elles qui montrent continuellement leur talent, innovent et inventent.

Selon elle, leur stabilité financière a autant d’importance que les expériences qu’ils cherchent à vivre. Ils rejetteront toujours en bloc l’image qui les assimilera aux machines. Un point particulièrement positif. « Nous avons besoin de ces personnes portées par leur raison d’être, toujours hungry de tout, curieuses et avides de se développer. Ce sont elles qui montrent continuellement leur talent, innovent et inventent ».

Former encore et toujours

Un esprit curieux demande d’être nourri en permanence. « Que ce soit de manière individuelle ou en entreprise, le challenge sera donc de continuer à se former », poursuit Sana Afouaiz. « Et de varier les formations pour ne pas se limiter à son domaine d’expertise personnel ». Un.e expert.e en data science devrait suivre autant des cours techniques que des cours philosophiques. Créer une machine sans être conscient du monde qui nous entoure, risquerait en effet d’induire un biais discriminant.

`Pour étayer son propos, Sana évoque le programme de reconnaissance facial qu’a récemment lancé Microsoft. « On a demandé à ce programme d’analyser deux visages particulièrement reconnaissables dans notre société actuelle, celui de Serena Williams et de Michel Obama. À la surprise générale, il les a identifiés en tant que Black Boy. Dans le même temps, il n’a eu aucune difficulté à reconnaître le visage de George Bush ».

Il faudrait tout d’abord que l’on veille à mettre des gens compétents aux postes clés.

L’État, un maître à jouer important

Dans la construction de ce nouveau paradigme économique, l’effort se veut collectif et tout le monde doit mettre la main à la pâte. « Les médias, par exemple, pourraient bien plus encourager la créativité et l’entrepreneuriat en mettant les succes stories de jeunes comme nous en avant ». Quant à l’État, il a bien entendu fort à faire. « Il faudrait tout d’abord que l’on veille à mettre des gens compétents aux postes clés », insiste Sana Afouaiz.

Selon elle, être ministre de la transformation digitale et être incapable de parler le langage afférent aux nouvelles technologies est un énorme problème. Un des exemples les plus marquants de cette incapacité des politiques à gérer la transition digitale aurait d’ailleurs vu le jour lors des audiences de Mark Zuckerberg dans le scandale « Cambridge Analytica ». « Les politiciens ne connaissaient pas du tout leur sujet et posaient des questions ridicules au fondateur de Facebook ».

Des actions concrètes

Une fois cette question de compétence résolue, l’idéal serait de mener des actions concrètes en tentant d’attirer les jeunes des quartiers défavorisés vers des perspectives réelles de développement économique et social dans la Tech et l’entrepreneuriat. « Sans oublier les femmes en général ! Elles représentent 50,7% de la population belge et trop peu d’initiatives sont mises sur pieds pour les orienter dans cette direction », explique Sana Afouaiz.

Et une initiative, elle en a une : le réseau Womenpreneur.  L’association donne des formations digitales aux femmes pour les orienter vers une carrière professionnelle freelance.  « Selon le Harvard Business Review, la diversité est une richesse pour l’économie ». Autant dès lors offrir une chance à ces femmes qui, sans mesures concrètes, risquent de se retrouver totalement en dehors du système économique dans une dizaine d’années. « Elles pourraient ainsi devenir la force vive et les talents dont nous manquons tant sur le marché du travail ».

Éviter la fuite de talents

Doter notre économie de talents est une chose, les retenir en Belgique en est une autre. Et pour y parvenir, cela passerait par une refonte de notre système d’aide à l’emploi. « Une grande partie de nos revenus partent dans des taxes et des impôts sans que l’on constate de changements efficaces ».

Sana Afouaiz regrette ainsi que beaucoup de jeunes entrepreneurs pleins de bonne volonté aient du mal à atteindre l’équilibre financier. Ils doivent soutenir d’autres personnes pourtant aptes à travailler. « Revoir ce système encouragerait sans aucun doute les jeunes à se lancer en tant qu’entrepreneur ou freelance. Cela leur donnerait de la valeur ! ».

* Selon un rapport de la Banque mondiale

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Bastien Craninx
Bastien Craninx est journaliste et copywriter freelance. Affamé d'histoires à raconter et exalté par les mots et leurs sonorités, il dévoue sa plume aux sujets d'hier et d'aujourd'hui. Particulièrement intéressé par le monde de l'entreprise, il aime en décortiquer les rouages et mettre en lumière ses évolutions, ses secrets, ses nouveautés. Voir tous les articles de #Bastien Craninx