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L’approche de Marc Noppen, CEO de l’UZ Brussel, par rapport à la crise du coronavirus : « Perfection is the enemy of the good »

Un hôpital qui comprend deux mondes parallèles, nous dit le professeur Marc Noppen, évoquant la réalité vécue à l’UZ Brussel. Avec un contraste saisissant entre l’agitation vécue dans le monde Covid-19 et le relatif état de mode ‘veille’ dans lequel se trouve le reste de l’hôpital. 3W a demandé un entretien au CEO de l’UZ Brussel, afin de connaître son approche de la crise qui lui a permis de mener son hôpital vers cette ‘nouvelle normalité du quotidien’.

La crise du Covid-19 est d’une ampleur et a un impact auxquels personne ne pouvait raisonnablement s’attendre. Mais on a vu votre organisation et les autres institutions de santé réagir promptement et efficacement. Qu’est-ce qui vous a essentiellement permis de réussir ?

  • Car l’état d’urgence était à son paroxysme.

Marc Noppen : « Nous avions l’avantage de ne pas être le premier pays après la Chine à devoir affronter le coronavirus. Nous avions comme exemple l’Italie, et nous avons pu constater avec un décalage de dix jours l’énorme impact sur leur système de santé. Nous avions à tenir compte d’un taux de mortalité (the case fatality rate) dû au Covid-19 fort probablement 30 fois supérieur à celui du virus influenza. Avec le Covid-19, il y a une probabilité de 1,5 à 3 % (les chiffres ne sont pas encore arrêtés) que les personnes infectées soient gravement malades ou meurent, alors que le ratio pour la grippe n’est que de 1 ‰. Si les cas avérés entrent dans le système des soins de santé sur une courte période, le système va se noyer. C’est ce qui s’est produit chez nos voisins italiens. Une situation d’urgence était clairement de mise. »

Une seule chose compte désormais : la célérité. Le plus grand danger étant de s’empêtrer dans les détails.

  • Speed beats perfection

Marc Noppen : « Les deux premiers patients atteints du Covid-19 sont arrivés dans notre hôpital le soir du vendredi 6 mars. Et dès le samedi matin, nous avons commencé le basculement. Nous sommes très rapidement passés en mode de crise, avec instauration d’un plan d’urgence. » Une seule chose compte désormais : la célérité. Le plus grand danger étant de s’empêtrer dans les détails. Perfection is the enemy of the good. S’accrocher au souci de perfection ou vouloir trop bien faire devient alors pour le moins néfaste.

  • Executive power

Marc Noppen : « Les jours qui ont suivi, nous avons adapté la gouvernance de notre hôpital. En situation normale, le comité exécutif rend compte au conseil d’administration, c’est le processus  de pilotage de l’hôpital. Les décisions importantes sont donc prises en suivant ce schéma décisionnel. Nous sommes quasi instantanément passés à un système de gestion avec ‘les pleins pouvoirs’, afin d’obtenir une capacité décisionnelle plus directe. Le comité exécutif a été élargi avec six spécialistes, pour former la cellule de crise. Nous avons bien entendu demandé l’approbation de notre conseil d’administration et du commissaire du gouvernement, afin de garantir la valeur juridique de notre action. Ainsi, nous étions en quelque sorte titulaire d’une executive power pour mener l’hôpital à travers la crise en bons gestionnaires. »

L’essentiel est de disposer d’une unité de commandement, d’une unité d’exécution et d’une unité de communication.

  • Un seul centre de décision et une communication rationnelle

Marc Noppen : « La cellule de crise a été déclarée seul centre de décision de l’hôpital. Ce qui coupe court aux initiatives parallèles. L’essentiel est de disposer d’une unité de commandement, d’une unité d’exécution et d’une unité de communication. Ensuite, l’intranet a été déclaré seule source officielle d’information. Tout ce qui n’en émane pas n’a aucune valeur. Des flux de communication parallèles vont apparaître via les e-mails, les groupes Facebook, et parcourent les couloirs. L’équipe de communication s’est dès le départ impliquée. Elle alimentait l’intranet en continu avec les dernières mises à jour. Chaque matin à 8:00, un live stream est publié avec un point sur la situation et les décisions prises. Chaque membre du personnel peut s’informer en direct ou en léger différé. Les décisions et les chiffres issus des réunions de la cellule de crise sont ainsi mis en ligne. La transparence est bel et bien totale. Au début de la crise, les membres de la cellule se rencontraient chaque jour à 8h30 et à 17h, puis nous sommes passés à une fois par jour. Actuellement, la fréquence est de 3 fois par semaine. »

Il faut savoir dire à point nommé ‘cut the crap’ (+/- Allons à l’essentiel), et imposer ce que nous allons faire. Il n’est pas toujours besoin d’attendre pour être sûr d’avoir toutes les données.

Et quid si les membres de la cellule de crise ne sont pas tous d’accord sur un point ? 

Marc Noppen : « C’est bien sûr arrivé. Lorsqu’on dirige une cellule de crise, il faut savoir prendre des décisions rapides et fermes. Encore une fois, perfection is the enemy of the good. Il faut savoir dire à point nommé ‘cut the crap’ et imposer ce que nous allons faire. Il n’est pas toujours besoin d’attendre pour être sûr d’avoir toutes les données. La chance de faire bien est beaucoup plus forte que celle de faire mal, et il n’y a pas de déshonneur à commettre une faute. Il n’y a pas vraiment la place pour débattre au sein d’une cellule de crise. Nous suivons les recommandations émises par les cinq groupes de travail traitant chacun de questions spécifiques. Il est toutefois important de garder la confiance de tous les collaborateurs de l’hôpital et d’avoir leur soutien pour l’approche choisie. L’encadrement de la direction, sur place 7/7, est donc primordial pour informer, valoriser et supporter le personnel. De l’intensive care aux magasins d’approvisionnement et aux cuisines.

Dans quelle mesure un plan d’urgence hospitalier est-il essentiel ?

Marc Noppen : « Notre plan d’urgence est un plan générique qui énonce les principes d’une approche de crise : comment vous organiser et comment travailler. Mais il n’est pas concrétisé pour chaque type d’évolution. Le plan correspond plus ou moins à celui mis en place il y a quatre ans après les attaques terroristes à Bruxelles et Zaventem. Il est crucial de réunir des experts au sein du comité exécutif et d’écouter l’avis de ces spécialistes. En somme, le même processus que celui appliqué par le gouvernement : il s’agit maintenant de faits, et non plus d’hypothèses. Ce que nous avons réalisé est bien spécifique et résulte des conseils des groupes de travail.

Avec le recul, auriez-vous pu faire mieux ?

Marc Noppen : « Rétrospectivement, peut-être. Rien qu’en parcourant la littérature à notre disposition, nous savions que cela arriverait un jour. Cette pandémie a été annoncée dans les moindres détails en 2007, lorsque les coronavirus ont été étudiés pour la première fois. Dès lors, en plus d’un plan générique, on aurait pu élaborer un plan concret en cas de pandémie contagieuse, qui aurait débouché sur un plan d’action détaillé. Il nous a donc fallu une ou deux semaines pour finaliser le basculement, car nous devions penser à tout jusqu’au moindre détail : quelle porte peut-on ouvrir et laquelle ne peut pas l’être, par exemple. »

Nous n’avons aujourd’hui pratiquement plus à cocher les cases des éléments que nous devons réaliser. Cela nous donne de l’impulsion et de l’élan.

Quels sont les effets positifs que cette crise vous a apportés ? 

  • Une volonté inépuisable

Marc Noppen : « Nous nous consacrons à cent pour cent à notre core business. Nous œuvrons pour que la vie l’emporte sur la mort. C’est pour cela que chacun de nous a choisi ce job. Nous n’avons aujourd’hui pratiquement plus à cocher les cases des éléments que nous devons réaliser. Cela nous donne de l’impulsion et de l’élan. Il est impossible de compter les initiatives et les idées qui nous parviennent, et cela vaut son pesant d’or. J’espère qu’après la crise cela va perdurer. J’aime aussi les ‘pleins pouvoirs’ qui nous ont été accordés, même si cela tenait plutôt du fantasme. »

  • À distance et agile

Marc Noppen : « Nous avons pris conscience de l’énorme sens de la flexibilité que possèdent les membres du personnel. Du jour au lendemain, ils ont dû adapter leur fonction, démontrant ainsi leur flexibilité. La plupart des barrières et des résistances que nous rencontrons habituellement sont donc d’ordre institutionnel. On ne pourra plus faire marche arrière sur les traitements à distance : the future will be remote. Preuve en est les téléconsultations. Après le Covid-19, elles pourront être poursuivies pour traiter de nombreux cas. »

Sachez donner confiance aux personnes, et vous recevrez leur confiance en retour. En général, cette confiance ne sera pas rompue.

  • La confiance

Marc Noppen : « J’ai également compris que nous avons les meilleurs experts en interne. C’est ce qui explique le volume de connaissances dont nous disposons. Sachez donner confiance aux personnes, et vous recevrez leur confiance en retour. En général, cette confiance ne sera pas rompue. Oui, vous aurez toujours un phénomène de rejet de deux pour cent, mais c’est également vrai lorsqu’on applique des mécanismes de contrôle. Il faut permettre le développement d’initiatives venant des experts du domaine. C’est alors que vont surgir une quantité incroyable d’idées créatives. Les personnes sont parfaitement capables de trouver par elles-mêmes leur chemin. »

Comment pensez-vous pouvoir garder cette constructivité ?

  • Le meilleur team building

Marc Noppen : « J’ose espérer que nous nous souviendrons encore longtemps de ce que vivons, et que nous poursuivrons dans cette voie. Je sais que parfois la mémoire est courte. Mais cela restera notre meilleur team building. Il y a trois ans, nous avons obtenu notre accréditation JCI, ce qui a également collaboré au bon esprit que nous connaissons. Mais pour nous, c’est l’examen pratique après la théorie. Ce serait bien si nous pouvions emporter avec nous cet esprit dans le post-Covid-19. »

  • Appel à nos décideurs politiques

Marc Noppen : « Ce que j’espère avant tout, c’est que ces évolutions apparaissent clairement à nos décideurs politiques, et que les querelles intestines prennent fin. J’espère que l’intérêt public sera à l’honneur dans les cercles politiques, et que les hommes et les femmes d’État agiront enfin en ce sens. Ce serait très utile si nos décideurs politiques venaient constater de visu comment s’organisent les soins de santé. En Belgique, nous avons 8 ministres en charge de la santé publique, mais c’est le roi Philippe qui s’est déplacé. De toute façon, il nous aurait honoré de sa visite. Ce qui produit un effet sur les personnes à ne sûrement pas sous-estimer. Quant aux ministres, on les attend toujours. Et l’argument du risque d’infection ne tient absolument pas.

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